André Maquignon
« Dans les années 20', j'avais une dizaine d'années lorsque je rendais visite au « tonton Vachère » avec ma sœur ainée. Notre oncle ouvrait la porte de la cuisine (la cuisine de l'époque était à l'opposé de la chapelle. Elle permettait un accès à l'ensemble de la maison. Ndlr) :
« Entrez les enfants ! » disait-il de sa voix qui grondait. « Allez faire une prière ! » Je traversais le sombre couloir qui mène à la chapelle, respirant les vapeurs d'encens. La petite pièce était éclairée par deux veilleuses rouges suspendues au plafond de chaque côté du Sacré-Cœur. Je me souviens m'en être approché, m'être agenouillé et avoir aperçu quelques gouttes de sang sortir de la couronne du Christ et ruisseler jusqu'au linge accroché au bas de l'image, Je tremblais de peur, mais je priais quand même parce que le tonton Vachère axait l'humeur emballante Asa mort, mon père donna l'image à parce qu'elle nous effrayait. An ! C'était quelqu'un le tonton Vachère. S'il n'y avait pas eu la guerre, je suis sûr qu'il aurait construit une basilique, comme â Lourdes ! »
Daniel Aubert, secrétaire du Syndicat d'Initiative
« Après l'interdit jeté sur sa chapelle, l'Abbé est contraint de transporter son image et son autel dans une grange qui sert de cabane de chantier, près du moulin en ruines de Gâtine, à quelques pas du Calvaire.
Là, le miracle se produit à nouveau. D'abord en présence des ouvriers qui construisent le calvaire, puis devant les fidèles qui accourent, Daniel
Aubert, secrétaire du Syndicat d'initiative, fut témoin de ces faits. Il est formel. « Toute supercherie est exclue » affirme-t-il. « J'ai w du sang couler de la couronne d'épines sur le front du Christ. Le miracle s'est renouvelé sur le visage du Christ au tombeau qui se trouve dans la grotte, sous le calvaire. Oui, c'était bien du sang : il a fallu recouvrir le corps d'une vitrine car les mouches s'y agglutinaient ». Et Daniel Albert de conclure : « Si vous croyez ce qui se passe à Lourdes, wus devez croire ce qui se passe à Mirebeau ». Après la mort de l'Abbé, les démolisseurs du Calvaire étaient tellement convaincus de découvrir dans les ruines la preuve d'une quelconque machinerie qu'ils pulvérisèrent tout ce qui aurait pu contenir quelque chose de suspect. En dépit de leur acharnement, ils ne trouvèrent rien et, honteux, s'en allèrent répandre le bruit que le Calvaire avait brulé accidentellement, lors d'un feu de ronces. Fernand Corteville : Trésorier des Amis du calvaire, résidant à Beaupréau »
« Notre association s'est constituée en 1981 autour d'une douaine de membres. Elle représente aujourd'hui la mémoire de l'Abbé Vachère, Nous disposons de la copie de son journal de bord et de très nombreux témoignages. aussi bien de gens simples que d'intellectuels ou de religieux, de photographies originales du Sacré-Cœur ensanglanté et d'un film tourné en Alemagne, montrant une image du Sacré-Cœur, Cette image a saigné Outre-Rhin, lors d'un 'voyage que l'Abbé fit là-bas. Considérant aujourd'hui (Avril 1987) que l'affaire a été étouffée et déplorant que l'Abbé ait été enterré comme un chien, nous supplions l'Église d'effectuer enfin une enquête objective et d'adopter, au moins, une mesure de miséricorde. Qu'elle pardonne ! Qu'elle accepte que l'on enterre l'Abbé au pied de son calvaire, après une cérémonie religieuse, comme il le souhaitait ».
Jacqueline Hilleret, seule propriétaire des lieux qu'elle occupe aujourd'hui.
« Je vis dans la maison de l'abbé Vachère depuis 45 ans. Ma cuisine est installée dans son ancienne chapelle. Il ne reste rien de l'oratoire privé, sauf un immense placard en bois qui contenait l'autel. Il ne contient plus que ma vaisselle.
Le vrai trésor se trouve sous l'évier où se cache une tapisserie bordeaux décorée d'une sorte de trèfle aux contours dorés. Cette fresque, oubliée sous l'évier et préservée, recouvrait complètement les murs de la chapelle qui n'était accessible que par le long couloir qui dessert toutes les Pièces de la maison. Les deux portes qui permettent aujourd'hui l'accès depuis la chapelle 'sers la rue, ou vers le jardin, n'existaient pas à l'époque de l'Abbé.
Lorsque je me suis installée dans cette maison en 1966, je l'ai faite bénir pour protéger ma famille. Un jour un petit grand-père, tout maigre est arrivé, II s'est agenouillé sur les marches de ma cuisine, a levé les yeux au ciel, a grimacé et s'en est retourné en ronchonnant dans une langue que je ne comprenais pas. J'ai appris que c'était un évêque russe et qu'il était scandalisé que la chapelle ait été transformée en cuisine, car il espérait retrouver les lieux comme il les avait connus. »
« Pour avoir vécu plusieurs années en Amérique Latine et en Afrique, avec les devoirs d'information et privilèges attachés à mon état de diplomate, j'ai eu à connaitre d'évènements surnaturels, de même nature que ceux qui se sont produits à Mirebeau autour de l'Abbé Vachère. J'ai vu à Lima, au début des années 90, une vierge pleurer que vénéraient des dizaines de milliers de personnes chaque jour, et que célébraient les journaux et télévisions de tout le Pérou.
Au Nigeria, en 2000, j'ai filmé des cérémonies évangélistes de transes et lévitation, accompagnées de guérisons « miraculeuses ». La foi qui soulève les montagnes, provoque des comportements étranges sur lesquels on peut broder toutes sortes d'explications aussi plausibles les unes que les autres, à l'exception de grossières supercheries, du style prestidigitation et passe-passe. De nature pourtant incrédule, j'observe que ces phénomènes présentent des constantes indubitables. Chaque fois, les faits se produisent autour d'une personne bien définie : Mélanie à la Salette, Juan Diego à Guadalupe, Bernadette à Lourdes, Thérèse à Lisieux...
Les faits se produisent à un endroit précis et non n'importe où. Ils s'accompagnent de « messages » que les voyants ont charge de transmettre. Ils contrarient l'Église qui les combat, craignant d'y perdre sa crédibilité, voire de s'y ridiculiser. Ils s'accompagnent de « miracles » ou guérisons inattendues. Ils s'entretiennent ensuite par la simple mémoire des faits, parfois l'apparition périodique de nouveaux miracles, et la foi qu'ils suscitent. »
L'hypothèse de la supercherie
« Sur l'affaire de Mirebeau, on ne peut envisager que trois explications : manifestation divine, manifestation diabolique ou paranormale et supercherie. Puisque c'est cette dernière qui a été, et est encore, officiellement retenue par l'Église, concentrons-nous sur elle, d'autant que, seule des trois à reposer sur des éléments matériels, c'est évidemment la seule prometteuse de certitude.
Vachère s'ennuie donc à Mirebeau où il commence sa retraite dorée, sans mission particulière ni charge de paroisse. Il brode des surplis en rêvant de faire de ce village un nouveau lieu de pèlerinage... Intelligent, cultivé, rompu aux enquêtes ecclésiastiques auxquelles il a déjà participé, protégé en haut lieu par ses amitiés romaines et l'estime de Pie X, il décide donc de faire saigner une image du Sacré-Cœur...
Comment s'y prend-il ? Bien qu'initié aux tours les plus célèbres de Grande Illusion, que j'ai pratiqués dans une autre üe, avec les plus grands prestidigitateurs des années 1960-70, je ne peux imaginer le « truc 9, y compris celui qu'un professionnel pourrait adopter aujourd'hui. et j'awue à regret, mon incapacité à construire une machinerie et un scénario qui fonctionnent.
Je n’entends que l'Évêque responsable de l'enquête n'ait jamais jugé bon de venir sur place constitue un autre étonnement de taille. Que ce même évêque ait demandé à l'Abbé de lui remettre l'image et les hosties en prétextant qu'il devait les envoyer à Rome et que finalement il prétende avoir trouvé deux poils de pinceaux dans les coulures de sang, constitue une invraisemblance de plus " Vachère a l'immense chance que son supérieur ne vienne pas à Mirebeau assister aux prodiges ; il suffit donc de lui faire porter les pièces à conviction et il lui envoie une image contenant... des poils de pinceau... ?
Viendront ensuite les saignements du Christ au tombeau, sous le calvaire. Il faut imaginer là une nouvelle machinerie. Puis l'image saignera dans la baraque de chantier des ouvriers dont, l'artisan maçon, Ernest Roy, dit « le père Nénesse », aussi intelligent qu'habile ouvrier. L'ayant connu personnellement, je me souviens que quarante ans après les faits, le père
Nénesse restait convaincu de l'authenticité des évènements surnaturels dont il avait été témoin.
On en est donc réduit à deux poils de pinceau que personne n'a jamais ws.
Pourquoi Humbrecht qui en aurait eu tout le loisir, n'a-t-il pas montré cette preuve à quelques gendarmes ou journalistes, obligeant enfin l'Abbé à avouerses manigances et mettant fin, du même coup, au risque de scandale. Pire, les images et hosties ont officiellement disparu de l'évêché. L'Abbé étant mort et les preuves détruites, l'Eglise devrait pouvoir dormir tranquille, à moins, comme le disait Humbretch « que Dieu décide de prouver cette histoire par tout autre moyen qui lui plaira » ... Le coup du lapin de Champigny Au rayon des stupides hypothèses que l'ignorance populaire produisit à l'époque, circulent encore aujourd'hui à Mirebeau, des objections aussi élaborées que celle que m'opposa un ami, lorsque je lui dis mon intention de réveiller cette histoire. Sa grand-mère, habitant alors Champigny, se vantait d'avoir maintes fois approvisionné l'abbé en sang de lapin. Le sulfureux Abbé à l'inquiétante personnalité entreprend donc de tromper Rome et le monde, mais il se met à la merci d'une vielle radoteuse de Champigny ! Le comble de la bêtise reste évidemment le canon caché sous le calvaire et destiné à bombarder Poitiers dès l'arrivée des Prussiens à Mirebeau, les rayons dorés qui réfléchissent le soleil derrière le Christ étant un signal lumineux de guidage secret des avions ennemis... Si la foi soulève des montagnes, que soulèvent la bêtise, l'ignorance et la jalousie ? »
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